Dès que le sélectionneur entrevoit une variété digne d’intérêt pour son utilisation en France, il doit l’inscrire au catalogue français, géré par le CTPS (Comité Technique Permanent de la Sélection des plantes cultivées), puis la mettre ensuite en recommandation à l’ITB (Institut Technique de la Betterave). Ce qui représente un parcours de 3 à 5 ans. Explications avec les responsables de ces protocoles.
De gauche à droite, Denis Béghin, Alain Moulinier, Bruno Richard, Christian Huyghe, Ghislain Malatesta.
Ce n’est pas un marathon, mais plutôt une course de haie ; ce n’est pas non plus un concours, mais plutôt un examen. Pour le dire autrement, « Miss Better passe le bac », illustre Bruno Richard, secrétaire technique de la section Betteraves et Chicorée industrielle du CTPS. Dès qu’une pépite sort du programme de recherche d’un sélectionneur, la nouvelle variété de betterave se présente à l’inscription au CTPS, pour un examen qui va durer deux ans.
Le E de VATE
Bruno Richard explique : « l’inscription repose sur un règlement technique et sur des protocoles d’essais ». Les études techniques pour la betterave s’appuient essentiellement sur la VATE (Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale), avec un accent mis récemment sur le E de VATE. Les caractéristiques étudiées sont les suivantes : productivité, qualité industrielle, résistance à la montée à graine, maladies du feuillage (cercosporiose, oïdium, rouille, ramulariose), parasites du sol (rhizomanie, nématode à kystes, rhizoctone brun). Ces derniers sont les plus cruciaux, « car seule la génétique peut y apporter une réponse », poursuit Bruno. Les essais sont réalisés par les partenaires de la filière (ITB, UFS, SNFS, Tereos) ; le GEVES (Groupe d'Etude et de contrôle des Variétés Et des Semences) réalise la programmation et coordonne l’expérimentation.
Depuis 2010, les protocoles ont été modifiés pour tenir compte à la fois de la montée en puissance de la résistance des nouvelles variétés aux maladies, à la fois de la nécessité de réduire les traitements phytosanitaires, sous l’impulsion d’Ecophyto, et de mettre en pratique des solutions respectueuses de l’environnement (stipulées dans le plan SPAD – Semences et Plants pour une Agriculture Durable).
Pilotage par le progrès génétique
« Le CTPS peut jouer un rôle d’orientation du progrès génétique », explique Bruno. Cela a été le cas avec les exigences demandées pour les variétés résistantes à la rhizomanie à compter de 1986. Progressivement, grâce au travail des sélectionneurs, ces variétés ont comblé le différentiel de rendement en l’absence de rhizomanie avec les variétés classiques (non résistantes) et sont devenues la catégorie principale. En 2006, il n’y a plus eu de dépôt de variétés classiques. De même, lorsqu’un nouveau critère de qualité industrielle SM/POL (Sucre Mélasse/teneur en sucre) - Potassium, Sodium, Azote alpha-aminé, Glucose constituant le Sucre Mélasse - a été introduit, le CTPS a intégré ce critère dans son règlement technique (avec un seuil maximum admis). Les sélectionneurs ont répondu en améliorant significativement le critère SM/POL pour atteindre en 2009 un niveau considéré comme satisfaisant.
« Le pilotage par le progrès génétique introduit récemment consiste à mettre en place des objectifs de progrès, tout en mesurant chaque année l’évolution de façon à réajuster les objectifs si nécessaire », résume Bruno. A ce sujet, Christian Huyghe, président du Comité scientifique du CTPS, estime que le défi consiste à « penser le futur ». Selon lui, on peut seulement y parvenir avec du temps et dans le cadre d’une communauté scientifique. « Mais si le nombre des solutions possibles en protection des cultures continue à baisser, il nous faudra faire un effort encore plus grand du point de vue variétal ».
Denis Béghin, successeur de Bruno Richard au poste de secrétaire technique de la section Betteraves et Chicorée industrielle du CTPS, évoque alors les nouveaux défis à relever : « les maladies telles la jaunisse, la cercosporiose, la Forte Pression Rhizomanie ; les à-coups climatiques ; les maladies orphelines ; la plus grande diversité des situations ; une meilleure connaissance des interactions entre génétique et environnement ». Ce qui nécessite d’acquérir de nouvelles compétences en termes de méthodologie, de caractérisation du milieu, de connaissance des pathologies... mais aussi de maîtriser de nouveaux outils tels que les drones, les capteurs de nouvelle génération, etc.
En résumé, ponctuent Bruno et Denis, « il s’agit de faire évoluer le dispositif expérimental pour étudier de nouvelles maladies, les règles d’inscription pour prendre en compte une plus grande diversité des situations, pour encourager et stimuler le progrès génétique ».
Liste des variétés
Mais la course de haie en s’arrête pas au bout de deux ans : il faut passer ensuite à la phase de recommandation des nouvelles variétés sous l’égide de l’ITB. Ce qui donne lieu à la fameuse « liste des variétés » publiée dans Le Betteravier Français. L’ITB met en place chaque année en janvier un protocole pour tester de nombreuses variétés (84 en 2018), soit 16 000 micro-parcelles réparties entre l’Institut et les Services Agronomiques des Sucreries. Chacune de ces variétés peut être placée en test durant 1, 2 ou 3 années. « Le turn-over d’une variété résistante aux nématodes est de 2,2 ans », indique Ghislain Malatesta, responsable du Département expérimentation et expertises régionales à l’ITB, « et de 2,5 ans pour une variété résistante à la rhizomanie ». A mettre en parallèle des 2 années d’inscription au CTPS et jusqu’à 3 années de recommandation à l’ITB. « Ce qui est un signe de vitalité du progrès génétique », poursuit Ghislain, mais qui a un coût du point de vue commercial et marketing pour le semencier.
Plan SPAD - Semences et Plants pour une Agriculture Durable :
https://agriculture.gouv.fr/plan-semences-et-plants-pour-une-agriculture-durable
Le CTPS, au service de l’inscription des variétés
« Le CTPS est un système participatif en appui aux politiques publiques, qui se renouvelle pour répondre aux attentes des acteurs de la filière et des pouvoirs publics », déclare Alain Moulinier, président du Comité Plénier et président de la Section Betteraves et Chicorée industrielle du CTPS, vice-président du CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux).
Les missions du CTPS, composé de 15 sections paritaires, sont fixées par le Code Rural : il apporte un conseil et un appui technique auprès du ministère de l’agriculture, étudie les problèmes scientifiques posés par la sélection et la production des semences et plants, et leurs répercussions techniques et économiques sur l’agriculture. Au plan opérationnel, il établit le « catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées admises sur le territoire national », instruit et suit l’application des règlements techniques de certification, et propose au ministère des programmes de développement de la sélection végétale et de la filière des semences et plants.
Présentation du CTPS :
https://www.geves.fr/qui-sommes-nous/ctps/