Comme prévu dans le programme AKER, les croisements obtenus par autofécondation en 2016 ont été implantés au champ dans des cages en vue de réaliser l’hybridation des 3 000 génotypes attendus. Visite sur le terrain.

« Il a fallu tout d’abord trouver le site adéquat », explique Paul Dhallewyn, responsable des porte-graines au Laboratoire Betteraves et Chicorée chez Florimond Desprez. « Nous avons choisi la ferme de Bel-Aise, située non loin de l’abbaye de Vaucelles (Nord), pour ses limons profonds, ses champs de grande dimension, et parce que nous y avions déjà obtenu de bons résultats les années précédentes ». En effet, il a fallu installer 3 200 cages pour le programme AKER (le double de ce que Florimond Desprez réalise habituellement), soit 7 kilomètres de cages réparties en plusieurs longueurs distantes d’un kilomètre, disposées en file indienne (jusqu’à 550). « Elles sont orientées nord-sud, perpendiculairement aux vents dominants », poursuit Paul, « de manière à faciliter la transmission du pollen à l’intérieur de la cage ».

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Une « chaussette » plastique

Les plantes proviennent d’une nouvelle chambre froide installée chez Florimond Desprez et pouvant contenir jusqu’à 45 000 plantules plantées en pots de 9 x 9 cm. Les plantes y sont stockées pendant plus de trois mois à une température de 5 °C afin de favoriser la vernalisation, période nécessaire à la montaison et à la floraison. Le repiquage débute début avril, sur un paillage plastique afin de garder l’humidité dans le sol et de limiter les mauvaises herbes. Les plantes ont légèrement souffert du froid et de la sécheresse en ce début de printemps. Elles sont repiquées selon un plan précis, isolées dans une « cage » armature métallique enveloppée d’une « chaussette » plastique que l’on remonte en fonction de la croissance des plantes et afin de limiter la pollinisation entre chaque cage. « C’est un travail qui demande beaucoup de main d’œuvre, prenant mais stressant », précise Paul Dhallewyn, « car nous ne maîtrisons pas les aléas climatiques - orage de grêles, vent violent - pouvant renverser les cages et anéantir notre travail ».

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De gauche à droite : Paul Dhallewyn, Karine Henry

De 1 à 4 pollinisateurs par cage

Dans chaque cage, sont repiquées 8 plantes femelles et 1 à 4 pollinisateurs. Ces derniers sont séparés des femelles par un filet afin d’éviter tout mélange à la récolte. « Nous avons planté plusieurs pollinisateurs par cage car nous souhaitons prendre le maximum de sécurité », explique Karine Henry, responsable scientifique du programme AKER, en visite sur le terrain. « Nous n’avons pas le droit à l’erreur et nous avons peu de marges de manœuvre dans le planning du programme », poursuit-elle. Le moment venu, Karine viendra avec ses collaboratrices et son ordinateur portable pour sélectionner un seul pollinisateur dans chaque cage en fonction de sa morphologie et du marquage moléculaire effectué en amont.

Ecimer les fleurs

La végétation suit son cours. Après la montaison, vient la floraison, période déterminante. Il faut que les deux partenaires mâles et femelles fleurissent en même temps. « Pour retarder la floraison d’un parent, on peut être amené à écimer les fleurs mâles ou femelles selon les besoins », ajoute Paul. Après la fécondation et pendant la maturité, il faut être attentif au remplissage de l’amande dans la graine et alimenter en eau les plantes par un système de goutte à goutte mis en place sous le film plastique. La maturité optimale est atteinte vers la mi-août pour les pollinisateurs et début septembre pour les hybrides. Toutes les plantes arrivées en fin de maturité sont alors récoltées par des batteuses mécaniques avec les précautions qui s’imposent pour éviter les mélanges. « Nous tablons sur un taux de réussite des hybridations de 75 % minimum, avec quelques pertes inévitables », anticipe Karine Henry. Les 3 000 hybrides ainsi créés seront évalués par le phénotypage au champ en 2018 et 2019. A suivre…